Sortie aujourd’hui de l’album Petite Apocalypse Pour Adultes Et Adolescents de Vestale Vestale, sur le label Petrol Chips de Ray Bornéo, producteur de l’œuvre.
Cette vestale, prêtresse de l’antiquité romaine cultivant la chasteté, joue de sa fausse candeur. Une voix sibylline, simultanément enfantine et mature. Pouvant dire des paroles crues sur un ton de naïveté. Les prods de Ray Bornéo sont piquantes, avec des saturations inattendues sur un chant de type de Lio. Vestale Vestale est diplômée d’un master de musicologie et dispose d’une solide formation au violon classique. Elle-même a joué avec EZ3kiel, durant un projet d’1 an et qui cherchait un orchestre complet. Elle s’en est éloignée pour se lancer dans de petits groupes à la guitare électrique. Puis, pour jouer exclusivement des cordes vocales.

dyadoo : comment s’est passée votre collaboration ?
Vestale Vestale : essentiellement à distance (rires). Puis, on se retrouvait sur des moments d’enregistrements.
Ray Borneo : je fais un peu des démos, puis elle pose des voix dessus. Et une fois que c’est à peu près en place, on se retrouve et on enregistre
dyadoo : du coup tu produis ? Vu ton expérience en musique, en violon, on pourrait le penser en fait
Vestale Vestale : c’est un peu un truc qui me bloque. Autant sur chant, ça ne me bloque pas tellement, parce que je n’ai pas trop fait de chant classique. Mais la musique en tant que telle j’ai tendance à la penser beaucoup trop, et du coup à rien faire (rires). Sur le dernier album, il n’y en a qu’une seule que j’ai composée : Sur le Nil. J’aime bien faire des boucles de violon et improviser, mais pas des trucs construits pour faire des albums.
Ray Bornéo : c’est ce que j’aime bien chez toi, c’est le truc spontané. Souvent, quand il y a un morceau, le chant soit il vient dans les 5 minutes ; soit, il ne vient pas et on jette le morceau.
Vestale Vestale : c’est exactement ça (rires). C’est notre façon de fonctionner.
En fait, il m’envoie des démos, et il me faut trois mois pour les écouter (rires). Parce que je suis une grosse flémarde. Et le jour où je m’y mets, je lui envoie le chant sur trois démos dans les trois quarts d’heure qui suivent. Et si ça vient pas, on passe à autre chose. On retravaille ensuite le morceau en studio.
dyadoo : comment vous êtes-vous rencontrés ?
Ray Bornéo : à un concert, j’avais un autre groupe où tu étais venue nous voir jouer. On s’est croisé plusieurs fois. Et puis on s’est dit à chaque fois que ce serait cool de faire un truc ensemble. Puis on a fini pas s’y coller un jour.
Vestale Vestale : au départ, quand on s’est connu, tu voulais que je fasse du violon sur les morceaux. Après on s’est calé et j’ai commencé à chanter. Et tu as dis : « bon le violon, on verra, on va commencer par faire d’autres trucs ». (rires)
Ray Bornéo : là je suis dans la Drôme. J’étais très souvent à Grenoble. La plupart des artistes Pétrole Chips sont tous de Grenoble. J’avais fait mes études là-bas, et j’avais gardé mes liens là-bas.
dyadoo : dans cet album, vous avez glané des morceaux faits avant
Ray Bornéo : je ne suis pas en guerre contre les plateformes de streaming, mais comment dire… J’avais découpé l’album en deux sur les plateformes de streaming. Je ne voulais pas que les gens aient tout sur Spotify. On n’a sorti que 4 titres sur ces plateformes ; et le reste était disponible sur Bandcamp. Et du coup, tout le monde a cru que c’était un EP. Mais, en fait, tout le monde va sur Spotify ou d’autres, et ne font pas l’effort d’aller voir plus loin.
Vestale Vestale : il avait été coupé en deux : une partie où il n’y avait que nous deux ; et un autre partie pour les featurings avec les copains.
Ray Bornéo : cet album est donc le deuxième album. On a décidé de regroupe de ce qu’on aimait bien de ce qu’on avait fait avant pour faire une sortie.
dyadoo : vous avez vraiment bien choisi le morceau pour le premier clip de l’album. « Générique anxiolytique » est vraiment superbe. Quel était le message ?
Vestale Vestale : il n’y a jamais vraiment trop de message direct. D’une façon générale, j’aime beaucoup l’idée du malaise adolescent. C’est quelque chose qui m’a marquée et que j’aime bien retrouver. Et aussi tout ce qui a un rapport avance les médicaments et les malaises adultes. Donc « générique anxiolytique », c’est un trip sous anxiolytique (rires) : comment on réagit avec les médicaments, comment on vit avec ça, et comment on dort mal.
Ray Bornéo : c’est un peu comme une musique de film mais avec un refrain
dyadoo : c’est du Lio avec une saturation qu’on ne voit pas venir
Ray Bornéo : le morceau est venu de ça en fait. Quand j’ai trouvé ce son de refrain. Ça m’a claqué. Puis elle a posé la voix, pile poil dans le même ton.
dyadoo : en fait un aussi il y a aussi une mélodie obsédante [de 1min 48 à 2 min 20], des notes assez magique. C’est un truc qu’on retient vraiment dans la tête.
Ray Bornéo : souvent dans tous les morceaux, j’essaie que le morceau soit construit avec ces petites mélodies. Le morceau vient des petites choses disséminées dans la mélodie.
Vestale Vestale : pour moi c’est important de faire de la place à la musique aussi. Qu’il n’y ait pas tout le temps du chant, pour qu’on puisse entendre tous ces éléments-là.
Ray Bornéo : c’est bien que les musiques de clavier soient prises par la voix.
dyadoo : quelles sont vos influences ?
Ray Bornéo : j’adore les ambiances de musique de film, Ennio Morricone. Billy Holliday. Je suis un grand fan de Broadcast. Peter Kernel aussi. Je les trouve super sur scène. Ils jouent à Grenoble en décembre.
Vestale Vestale : au départ, je suis une fan de Deftones, Peter Kernel… Y a des gens qui m’ont dit à ce me fait penser à ça. Du coup, j’ai beaucoup écouté depuis Elli et Jacno, Lio.
J’écoute beaucoup Mitski en ce moment. Qui n’est pas une influence au niveau de la façon de chanter. Mais on a des sujets qui se recoupent pas mal. Des trucs un peu adolescents.
Ray Bornéo : c’est vrai que souvent on découvre des groupes suite à des chroniques. Genre Young Marble Giant, où un autre groupe dans lequel je jouais, Tara King, y était associé dans une chronique
dyadoo : eh bien, moi vous voyez, ta voix me fait penser à Fever Ray, alors que c’est du chant en anglais. Ça m’a surpris qu’on puisse faire ce genre de chant en français.
Vestale Vestale : je ne suis pas trop étonnée. Avant je ne faisais que du chant en anglais. Puis j’ai découvert des gens à Grenoble qui chantaient en français. Au départ, je me sentais un peu trop toute nue (rires). Je n’avais pas envie que les gens comprennent. Même si j’ai fait la paix avec ça (rires). Maintenant j’ai du mal à réécrire en anglais. La plupart des trucs que j’écoute, c’est plutôt de l’anglais que j’ai tendance à écouter en chant féminin.
Ray Bornéo : j’ai été surpris de la manière dont tu posais les textes. Je ne comprenais pas les petits déclics. Encore aujourd’hui. Je trouve ça surprenant.
dyadoo : du genre ?
Il y a des moments où elle fait des liaisons dans les phrases qui ne sont pas logiques pour moi. Je suis peut-être de la vieille école (rires).
Comme « les garçons d’écoles de commerce »… [il chante]. Je ne l’aurais pas découpé comme ça. Mais en fait c’est bien.
Vestale Vestale : (rires) moi, ça ne me choque pas. A l’opéra, il y a des trucs bizarres comme ça.
dyadoo : d’ailleurs, il y avait un truc avec les garçons d’écoles de commerce [c’est le nom d’un titre] ? Du vécu ? (rires)
Vestale Vestale : ma mère en grandissant m’a dit ne te mets jamais avec un garçon d’école de commerce. Ils seront affreux. Ils n’ont pas d’éducation culturelle très avancée (rires). Donc, je m’étais fait une idée des garçons d’école de commerce.
Et à un moment j’étais à l’orchestre universitaire. Et ton recrutait des gens à l’école de commerce de Grenoble. Et j’ai été confrontée à ces gens-là (rires). D’une certaine manière, c’est un retour sur des gens qui ne sont pas comme moi, qui ne sont pas bizarres. C’est la vision que j’imagine qu’ils ont de moi.
Mais maintenant je suis avec un mec qui a fait plus ou moins une école de commerce. Il ne prend pas si personnellement le morceau (rires). C’est pour apprendre à faire la paix avec ces gens-là. Il y a du bon à prendre chez tout le monde, même si on ne le sait pas forcément (rires).
dyadoo : des messages subliminaux ?
« Tu es jolie quand tu as mal ». Il est chelou. C’est plus mou moins l’histoire de quelqu’un qui soit te fais du mal, soit te tape. Et qui te dit, pour te réconforter : « t’es jolie quand tu as mal ».
Le traitement est toujours léger. C’est voulu, pour pas que ça fasse mélodramatique, plombant, un truc de « ouin-ouin ». Mais ça vient toujours de choses pas agréables.
C’est pour ça que j’utilise souvent une voix enfantine pour dire des choses sales. « J’ai enterré ton cheval » avec une voix de gamine, je trouve ça vachement plus drôle et sympa (rires). J’adore cette ambivalence.
